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La prohibition des demandes nouvelles en cause

Edouard Steru


Cour de cassation, chambre criminelle, 13 octobre 2015 (n°14-86436)


La procédure pénale française est régie par le principe du double degré de juridiction. Ce principe s’impose en premier lieu au jugement de l’action publique (voir notamment l’article 2.1 du protocole additionnel n° 7 à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, et le dernier alinéa de l’article préliminaire du Code de procédure pénale). Mais il s’impose également avec force au jugement de l’action civile devant la juridiction pénale car le prévenu doit se voir offrir la possibilité d’un débat contradictoire devant deux juridictions de degrés différents sur les intérêts civils qui lui sont réclamés.


Cette interdiction des demandes nouvelles de la partie civile en appel est consacrée par le dernier alinéa de l’article 515 du Code de procédure pénale, qui dispose que « La partie civile ne peut, en cause d’appel, former aucune demande nouvelle ; toutefois elle peut demander une augmentation des dommages-intérêts pour le préjudice souffert depuis la décision de première instance ».


L’affaire rapportée illustre la rigueur du principe et ses limites.


Une partie civile a commis une erreur de calcul du préjudice subi au titre du déficit fonctionnel permanent et entendait rectifier cette erreur en cause d’appel. La juridiction d’appel refusa d’y faire droit au motif que l’article 515 al. 3 du Code de procédure pénale s’oppose à toute demande nouvelle en cause d’appel et que le prévenu n’invoquait pas l’existence d’un préjudice dont il aurait souffert depuis la décision de première instance.


Le demandeur au pourvoi s’attaquait en premier lieu à la disposition légale, en déposant une QPC.


Il soutenait en particulier que les dispositions de l’article 515 alinéa 3 du code pénal instaurent une différence de traitement injustifiée entre la victime qui décide d’exercer l’action civile devant les juridictions répressives et la victime qui porte son action devant les juridictions civiles puisque cette dernière peut accroître ses prétentions indemnitaires dès lors que les demandes nouvelles tendent aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges et qu’elles en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément.


La chambre criminelle a cependant refusé de transmettre la question prioritaire de constitutionnalité qui lui était soumise, jugeant que le principe constitutionnel d’égalité devant la loi ne s’oppose pas à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes.


Le demandeur au pourvoi soutenait encore qu’une demande n’est pas nouvelle lorsqu’elle porte sur un chef de dommages déjà soumis au débat en première instance. La Cour de cassation lui a donné raison sur ce point et a cassé l’arrêt d’appel, prenant toutefois la précaution de rappeler que la demande de la partie civile tendait uniquement à rectifier son erreur de calcul mise en évidence par les premiers juges.


Cet arrêt non publié et circonstancié ne constitue certes pas un arrêt de principe, mais il est intéressant d’observer le raisonnement sous-jacent : puisque la nécessité d’un débat contradictoire devant deux degrés de juridiction différents est l’unique raison d’être de l’interdiction des demandes nouvelles en cause d’appel, il s’agit également du critère permettant dans certaines circonstances d’en fixer les limites.

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