Edouard Steru, Analyses et jurisprudences
Acte coercitif et dispositif de surveillance judiciaire
Cass. Crim. 15 avril 2015, n°14-87.620, publié au Bulletin
Des individus cagoulés ont détruit des distributeurs de billets de banque par introduction de gaz.
Une information judiciaire a été ouverte contre personnes non dénommées, des chefs de vols en bande organisée et association de malfaiteurs.
Un dispositif de surveillance consistant à filmer depuis la rue les véhicules entrant et sortant de la propriété d’un suspect a été mis en place par les enquêteurs agissant sur commission rogatoire.
A cette occasion les enquêteurs ont repéré un véhicule signalé volé quittant les lieux le surlendemain après modification de son apparence. Les enquêteurs ont alors procédé à la surveillance de ce véhicule.
Mais le juge d’instruction n’a informé le Procureur de la République et obtenu un réquisitoire supplétif pour des faits de recel de vol que 6 jours plus tard.
Le lendemain, les personnes soupçonnées étaient interpellées et mis en examen des chefs de vols en bande organisée et tentatives, recel de vol et association de malfaiteurs.
Il était reproché à l’arrêt attaqué de n’avoir pas constaté l’irrégularité des actes de surveillance alors que la découverte d’un fait nouveau – ici la présence d’un véhicule signalé volé – étranger à la saisine initiale du juge d’instruction aurait dû conduire ce dernier à avertir le Procureur de la République et à obtenir de sa part un réquisitoire supplétif avant de mener des investigations sur ces faits nouveaux.
Néanmoins la jurisprudence reconnaît au juge d’instruction (v. par ex. Cass. crim., 6 févr. 1996, Bull. crim. n°60) et aux enquêteurs (v. par ex. Cass. crim., 27 mars 2012, Bull. crim. n°83) la possibilité d’effectuer d’urgence les vérifications sommaires qu’imposent des faits nouveaux, à la conditions que ces actes ne présentent pas de caractère coercitif exigeant la mise en mouvement préalable de l’action publique.
La question qui se posait donc était de savoir si une surveillance de 6 jours devait être considérée ou non comme un acte coercitif réalisés d’urgence.
La Chambre criminelle de la Cour de cassation rejette le pourvoi, jugeant qu’une telle surveillance ne présente pas un caractère coercitif et doit être considérée comme une vérification sommaire que :
les enquêteurs pouvaient entreprendre avant toute communication au juge d’instruction des procès-verbaux constatant les faits nouveaux en vertu de leurs pouvoirs propres ;
mais aussi en vertu de la commission rogatoire dès lors que le juge d’instruction était lui-même habilité à faire procéder d’urgence à ces vérifications sommaires non coercitives « sur ces faits nouveaux apparaissant en lien avec les vols en bande organisée et l’association de malfaiteur dont il était saisi ».
Le lien apparent entre les faits nouveaux et la saisine initiale serait-il alors un critère permettant d’expliquer le caractère particulièrement large de la notion de vérification sommaire et souple de la condition d’urgence ?
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